Le 11 Mars dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé a décrété officielle la situation de pandémie mondiale. En quelques semaines à peine nous voilà spectateurs malgré nous d’un bouleversement sans précédent qui a remis en question les représentations que nous avons de nous-même et de notre société.
Aujourd’hui les dirigeants du monde s’affairent à étudier les différents scénarios de l’après-Covid et à en mesurer les impacts sur leurs économies.
La question peut paraître prématurée au moment où tous les pays luttent ardemment pour survivre au passage du Covid avec le moins de pertes humaines possible.
Envisager les différents scénarios de l’après-Covid est pourtant mandatory pour reprendre le cours normal de notre vie.
A quoi ressemblera le monde d’après ? Nous essayerons dans ce qui suit de décortiquer les différents scénarios envisageables.
Scénario #1 : L’effet « CORONARESET »
La crise actuelle est vue par une partie de la communauté scientifique comme une fin annoncée d’un système à bout de souffle. A l’instars de la crise financière de 2008 qui a remis en cause le système financier ultralibéral des subprimes, la crise du Covid-19 serait révélatrice d’un système destructeur de l’environnement et responsable du réchauffement climatique.
Sur le registre politique, cette crise a révélé la faillite de l’Etat-providence, communément appelé Etat Social. Les Etats européens illustrent le parfait exemple de cet état de fait : Leur désengagement opéré depuis des décennies du secteur de la santé, relégué au secteur privé, met aujourd’hui la santé de leurs citoyens en péril.
Les actions entreprises par plusieurs pays confortent ce premier scénario :
Le vendredi 10 Avril, 11 ministres européens ont appelé à ce que le plan de relance post-Covid intègre les questions d’environnement et de climat. Ils appellent à une « réponse européenne commune » dans le cadre du « Green deal européen ».
L’Espagne a procédé à la nationalisation de tous ses hôpitaux privés.
L’Allemagne veut instaurer « Un revenu universel » comme une seconde chance pour la population marginalisée afin de réduire les disparités sociales.
L’administration Trump envisage de restaurer l’Obamacare.
Et tant d’autres exemples renforçant ce premier scénario de remise en question des politiques actuelles.
De l’aveu des experts rien ne sera comme avant. Aujourd’hui le bureau d’études Mckinsey parle du next normal, une sorte d’une dimension de la situation normale différente de celle vécue avant le Covid :
Une situation normale reprenant certains paradigmes et changeants d’autres à jamais.
Les tendances qui émanent de ce second scénario commencent à se préciser :
a) Les leçons apprises ne seraient que partielles :
Elles ne concerneraient que le renforcement des capacités des Etats pour faire face à l’émergence de nouvelles épidémies/pandémies dans le futur. Une sorte de « test général » qui pousse les Etats à renforcer ses investissements dans le secteur de la santé. Cela suppose le maintien du statu quo des systèmes politiques, économiques et sociaux actuels et l’absence de plans de restructurations de ces derniers.
b) La prévalence de certains mécanismes initiés durant le Covid, après la crise :
C’est le cas notamment de la transformation digitale dans les économies. Microsoft a ainsi déclaré que désormais toutes ses conférences se feront en ligne jusqu’en Juillet 2021.
Le recours au télétravail sera maintenu après le Covid.
Le boom observé durant la crise de l’e-commerce est appelé à se développer encore plus. C’est l’exemple des Chinois qui ont continué à faire leurs achats en ligne après la fin du confinement.
c) L’effet boomrang sur l’environnement et le climat :
Tout le monde avait découvert avec émerveillement le recul des indicateurs de pollution climatiques observés à partir du ciel sur la Chine et l’Italie. Le politologue François Gemenne a exprimé à ce propos plus de réserves quant aux effets positifs du confinement sur l’environnement :
« Malgré des effets positifs de court terme, le confinement sera une catastrophe pour le climat ». François Gemenne
On s’attend en effet à un rebond des émissions de CO2 après la fin du confinement dicté par les économies ravagées par la crise, une sorte de course folle des Etats pour rattraper ou sauver ce qui reste de leur développement économique avant la fin de l’année.
Scénario #3 : L’effondrement général ou le « Worst Case ».
Les collapsologues l’ont longtemps prédit, aujourd’hui force est de constater que leur théorie de l’effondrement total reste tout à fait plausible.
Le célèbre collapsologue Pablo Servigne co-auteur de l’ouvrage « Comment tout peut s’effondrer », qui a popularisé le concept de collapsologie, estime que cette crise pourrait être le « premier domino » d’un effondrement plus global.
« Tout est interconnecté de manière homogène, et donc vulnérable, un des dangers serait de considérer cette crise comme uniquement sanitaire » Pablo Servigne
L’effondrement social est à craindre surtout pour les catégories sociales marginalisées. En effet, avec le confinement nous avons observé l’aggravation de la facture sociale entre les fortunés de ce monde qui organisent dans le faste et l’opulence les conditions de leur confinement, et en parallèle le prolétariat urbain (personnel soignant, policiers et éboueurs, caissiers des supermarchés etc.) qui assurent la continuité de la vie sociale en s’exposant quotidiennement au danger.
Aujourd’hui nul ne peut prédire de ce qu’il adviendra de notre modèle de société actuel :Sa continuité ? Sa transformation ou sa rupture ?
Une chose est certaine : La crise que nous traversons est un moment de remise en question général, le moment où la société remet en jeu les grandes orientations qu’elle se donne.
Ce que le sociologue Alain Touraine qualifie « d’historicité ».
Farida Belhaouane
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